CHAPITRE TREIZE
C’est Aphrodite qui me rejoignit la première. Elle m’aida à me relever alors que le corps de Stark glissait de mes genoux.
— Tu as du sang sur la bouche, murmura-t-elle en me tendant un mouchoir.
Je m’essuyai les lèvres, puis les yeux. Damien arriva à son tour. Il me prit fermement par le coude :
— Viens avec nous ! On va te ramener au dortoir pour que tu puisses te changer.
Aphrodite se plaça de l’autre côté pour me soutenir. Les Jumelles se tenaient par la taille et s’efforçaient de ne pas pleurer.
Des Fils d’Erebus s’affairaient déjà autour du cadavre. Aphrodite et Damien essayèrent de me faire sortir de la salle, mais je résistai. En pleurs, je regardai les combattants soulever délicatement le corps ensanglanté de Stark pour l’allonger sur une civière. Puis ils posèrent dessus une couverture, qu’ils tirèrent sur son visage.
À ce moment-là, Duchesse leva le museau vers le ciel et se mit à hurler.
C’était déchirant. La nuit se remplit de tristesse, de solitude et de deuil. Les Jumelles fondirent en larmes.
— Oh, déesse, c’est horrible, murmura Aphrodite.
— Pauvre petite... lâcha Damien avant de se mettre lui aussi à pleurer doucement.
Nala s’assit près de la chienne et la regarda avec de grands yeux, comme si elle se demandait comment aider.
J’allais m’approcher de Duchesse lorsque Jack arriva en courant. Il s’arrêta brusquement, la bouche grande ouverte, sous le choc. Il porta la main à ses lèvres, essayant en vain d’étouffer un cri horrifié. Son regard passa du corps étendu sur la civière au sable imbibé de sang, puis au chien. Ensuite, ignorant le reste du monde, il se précipita vers Duchesse et tomba à genoux levant elle.
— Oh, chérie ! J’ai le cœur brisé pour toi !
La chienne le regarda longuement. Je vous assure que des larmes coulaient sur son museau, y laissant des traces sombres.
Jack pleurait lui aussi, mais sa voix était douce et posée quand il dit :
— Viens avec moi ! Tu ne seras pas seule.
Le gros labrador blond s’avança lentement, comme s’il avait vieilli de plusieurs années, et il posa sa truffe sur l’épaule du garçon.
Dragon Lankford toucha le dos de Jack.
— Emmène-la dans ta chambre. Je vais appeler le vétérinaire pour qu’il lui donne un somnifère. Elle souffre comme un chat qui a perdu son vampire. C’est un animal loyal ; le deuil sera très difficile pour elle.
— Je... je vais rester avec elle, dit Jack en caressant la chienne.
Quand les combattants se dirigèrent vers la sortie avec la civière, il la prit dans ses bras. Neferet arriva à ce moment-là, rouge et essoufflée.
— Oh non ! Qui est-ce ?
— Le nouveau, James Stark, répondit Dragon.
Neferet s’approcha de la civière et souleva la couverture. Comme tout le monde regardait Stark, je fus la seule à voir l’éclair de triomphe qui traversa son visage. Puis elle inspira profondément et se donna l’air d’une grande prêtresse attristée par la perte d’un novice.
Je crus que j’allais vomir.
— Emmenez-le à la morgue, ordonna-t-elle. Je m’assurerai qu’on s’occupe bien de lui. Zoey, charge-toi du chien.
Puis elle fit signe aux combattants de se remettre en route et elle les suivit.
Pendant quelques secondes, je fus incapable de parler. Sa cruauté m’avait secouée. Je me rendis compte qu’une petite part de moi espérait toujours qu’elle était la femme que j’avais cru rencontrer quand j’étais arrivée à la Maison de la Nuit – la mère qui m’aurait aimée pour ce que j’étais.
Je m’essuyai les yeux du dos de la main : il était temps d’accepter le fait que Neferet avait mal tourné et d’y faire face.
— Reste avec Jack ce soir, dis-je à Damien. Il a plus besoin de ton aide que moi.
— Ça va aller ? me demanda-t-il.
— Je vais m’occuper d’elle, dit Aphrodite.
— Nous aussi, promirent les Jumelles.
Damien hocha la tête, me serra dans ses bras et partit rejoindre Jack. Il s’accroupit près du chien et, après un moment d’hésitation, il le caressa.
— Tu es pleine de sang, Zoey, dit Aphrodite, détournant mon attention de cette scène déchirante.
Je baissai les yeux. Je n’avais plus senti le sang après avoir embrassé Stark. J’avais chassé cette odeur de mon esprit pour ne pas devenir folle, et je fus surprise de voir que mes vêtements étaient sombres et collants.
— Il faut que je prenne une douche et que je me change, fis-je d’une voix tremblante.
— Viens. Je vais te faire visiter le spa, poursuivit Aphrodite.
— Le spa ? demandai-je, ahurie.
Stark venait de mourir dans mes bras, et elle voulait que j’aille dans un spa ?
— Vous ne saviez pas que j’avais fait refaire ma salle de bains ?
— Zoey veut peut-être se doucher chez elle, intervint Shaunee.
— Oui, et peut-être qu’elle ne veut pas se rappeler que la dernière fois qu’elle a pris une douche alors qu’elle était pleine de sang, dans sa chambre, c’était le jour où sa meilleure amie est morte dans ses bras. Par ailleurs, elle n’a pas une douche Vichy en marbre, vu que la mienne est la seule du campus.
— Une douche Vichy ? demandai-je. J’avais l’impression d’être en plein cauchemar.
— C’est un petit coin de paradis ! soupira Shaunee.
— Tu en as une dans ta chambre ? demanda Erin en la regardant d’un air approbateur.
— C’est l’un des avantages d’être désespérément riche et très, très gâtée, répondit Aphrodite.
— Euh, Zoey, dit Erin, tu devrais peut-être aller dans son spa... Une douche Vichy, c’est excellent pour chasser le stress. Shaunee s’essuya les yeux et renifla une dernière fois.
— Et tu as du stress à évacuer, ce soir.
— D’accord, j’irai me laver chez Aphrodite.
Je sentis le baiser de Stark sur mes lèvres pendant tout le trajet jusqu’au dortoir, alors que le croassement surréaliste des corbeaux emplissait la nuit.
La douche Vichy consistait en quatre gros jets, deux au plafond et deux sur les côtés de la cabine en marbre, qui déversèrent des tonnes d’eau chaude sur mon corps. Debout, immobile, je laissai l’eau couler sur ma peau et emporter le sang de Stark. Elle passa de rouge à rose, puis devint claire et, lorsque tout le sang eut disparu, je me remis à pleurer.
Même si je venais seulement de rencontrer Stark, son absence me faisait comme un trou dans le cœur. Comment pouvait-il tant me manquer alors que je l’avais à peine connu ? Peut-être était-ce ce qui arrivait entre deux personnes dont la relation existait au-delà du temps. Peut-être que ce qui s’était passé dans le complexe sportif avait suffi à ce que nos âmes se reconnaissent.
Des âmes sœurs ? Était-ce possible ?
Lorsque mes larmes eurent cessé de couler, je sortis de la douche. Aphrodite avait accroché un grand peignoir blanc à la porte de la salle de bains, et je l’enfilai avant de retourner dans sa chambre digne d’un palace. Sans grande surprise, je constatai que les Jumelles étaient parties.
— Tiens, bois ça, dit-elle en me tendant un verre de vin rouge.
— Non merci, je n’aime pas vraiment l’alcool.
— Bois. Ce n’est pas que du vin.
— Oh...
Je pris une gorgée avec précaution, comme si je craignais qu’elle n’explose dans ma bouche. Et c’est ce qui se produisit – dans tout mon corps.
— Il y a du sang dedans, dis-je d’un ton neutre.
— Cela t’aidera à te sentir mieux. Et ça aussi, fit-elle en désignant sa table basse, où se trouvaient un gros cheeseburger, une grande portion de frites et une bouteille de soda.
J’engloutis la dernière goutte de sang et me jetai sur le sandwich.
— Comment savais-tu que j’aimais ces cheeseburgers ?
— Tout le monde les aime. Ils sont terriblement mauvais pour la santé. J’ai pensé que tu en aurais besoin.
— Merci, dis-je, la bouche pleine.
Elle me laissa manger un moment puis, d’une voix inhabituellement hésitante, elle me demanda :
— Alors, tu Tas embrassé avant qu’il meure ?
J étais incapable de la regarder ; mon cheeseburger avait soudain un goût de carton.
— Oui, je l’ai embrassé.
— Est-ce que ça va ?
— Non. Il s’est passé quelque chose entre nous, et... Je ne trouvais pas mes mots.
— Qu’est-ce que tu vas faire, alors ? Je la fixai dans les yeux :
— Il est mort. Il n’y a rien à...
Je me tus. Stark était mort, mais cela ne signifiait pas forcément que tout était fini, pas dans cette Maison de la Nuit, pas ces derniers temps ! Alors je me souvins.
— Je le lui ai dit.
— Quoi ?
— Que ce n’était peut-être pas la fin. Avant qu’il s’en aille, je lui ai parlé des novices morts ici, qui étaient revenus à la vie et subissaient une autre Transformation.
— Si cela doit arriver, l’une de ses premières pensées sera pour toi, et ce que tu lui as révélé. Espérons que Neferet ne sera pas là pour l’entendre...
Mon cœur se serra. J’étais partagée entre la peur et l’espoir.
— Qu’est-ce que tu aurais fait, toi ? Tu l’aurais laissé mourir dans tes bras en lui cachant cela ?
— Je ne sais pas, soupira Aphrodite. Probablement pas. Tu tiens à lui, n’est-ce pas ?
— Oui, et ne me demande pas pourquoi. Évidemment, il est... euh... il était canon. Mais il m’a dit des choses, et un lien fort s’est tissé entre nous.
J’essayai de me rappeler l’ensemble des paroles de Stark, mais mes souvenirs étaient confus : le sang, le baiser, la mort... Je frissonnai et bus une longue gorgée de soda.
— Alors, qu’est-ce que tu vas faire ? insista-t-elle.
— Aphrodite, je n’en ai aucune idée ! Tu voudrais peut-être que je déboule à la morgue et que je demande aux Fils d’Erebus de me laisser seule avec lui pour que je puisse vérifier s’il revient ou non à la vie ?
En prononçant ces paroles, je me rendis compte que c’était exactement ce que je devais faire.
— En effet, ce n’est pas une bonne idée.
— Nous ne savons pas comment ça se passe, ni à quelle vitesse, ni même si cela va se produire. Attends, fis-je après un moment de réflexion, tu as bien dit que tu avais vu Stark dans une de tes visions ?
— Oui.
— Qu’y avait-il sur son visage ? Un croissant de lune bleu, rouge ou des tatouages entièrement rouges ?
— Aucune idée, dit-elle avec hésitation.
— Comment peux-tu ne pas le savoir ? Tu l’as pourtant reconnu !
— Oui, je me souviens de ses yeux, de sa bouche honteusement sexy et de...
— Ne parle pas de lui comme ça, la coupai-je.
— Désolée, je ne voulais pas te choquer. Il t’a vraiment fait de l’effet, hein ?
— Oui, il m’a fait de l’effet. Essaie plutôt de te rappeler à quoi il ressemblait dans ta vision.
Elle se mordilla la lèvre.
— Impossible ! Je l’ai juste aperçu.
Mon cœur battait à tout rompre, et l’espoir me faisait tourner la tête.
— Cela signifie qu’il n’est pas vraiment mort. Tu l’as vu dans une vision du futur, non ? Alors, il va revenir !
— Pas nécessairement, dit-elle avec douceur. Zoey, le futur se transforme en permanence. Toi, je t’ai vue mourir deux fois. Une fois seule, isolée de tes amis. Et regarde, ton troupeau de ringards est de retour ! Oh, désolée, je sais que ta soirée a été dure. Je ne voulais pas être méchante. Donc, comme tu n’es plus isolée, ma vision ne vaut probablement plus rien. Tu vois, le futur a changé. C’est sans doute pareil pour la vision avec Stark.
— Mais pas forcément ?
— Pas forcément. Mais ne te fais pas d’illusions. Je suis juste la fille aux visions, pas une experte en novices ressuscités.
— Dans ce cas, il nous faut un vrai expert, déclarai-je.
— Cela me coûte de l’admettre, mais tu as raison, tu dois parler à Lucie.
— Je vais retourner dans ma chambre pour l’appeler et lui demander de nous retrouver aux Chats de gouttière demain. Tu penses que tu pourras occuper Darius rendant qu’on discute ?
— Oh, je t’en prie... Je l’occuperai entièrement, ronronna-t-elle.
Soudain, elle redevint sérieuse.
— Zoey, je ne veux pas que tu vives une déception. Si Stark revient, il ne sera plus le même. D’après Lucie, les novices rouges ont changé, et c’est vrai. Mais ils ne sont pas normaux pour autant, et elle non plus.
— Je sais tout ça, Aphrodite, mais Lucie va bien.
— Il va falloir qu’on accepte notre désaccord sur la question. Je te demande juste de faire attention. Stark n’est pas...
— Arrête ! l’interrompis-je. Laisse-moi un peu d’espoir. Je veux croire qu’il a encore une chance.
— C’est exactement ce qui m’inquiète.
— Je suis trop fatiguée pour parler de ça.
— OK, je comprends. Mais réfléchis à ce que je t’ai dit. Si tu restais ici ce soir ? Tu ne serais pas seule.
— Non merci. Et merci de m’avoir aidée. Je me sens beaucoup mieux.
Elle chassa mes remerciements d’un geste de la main, l’air gêné. Puis elle retrouva son expression habituelle.
— Oh, je t’en prie ! Quand tu seras reine, tu me seras redevable.
Une fois dans ma chambre, j’appelai Lucie. Je tombai sur son répondeur ; je ne laissai pas de message. Qu’aurais-je pu dire ? « Salut, Lucie. C’est Zoey. Hé, un novice vient de se vider de son sang dans mes bras, et je veux savoir ce qui va se passer. Est-ce qu’il va ressusciter en monstre sanguinaire, ou va-t-il juste être un peu bizarre, comme tes copains ? Ou peut-être va-t-il rester mort ? J’aimerais le savoir, car je tiens beaucoup à lui, même si je le connais à peine. Alors rappelle-moi ! »Non, ce n était pas possible.
Je m’assis lourdement sur mon lit, regrettant que Nala ne soit pas là. À cet instant, la chatière s’ouvrit, et ma chatte grincheuse traversa la pièce en miaulant, sauta sur mon lit et frotta son museau contre mon cou en ronronnant.
Je lui caressai les oreilles et embrassai la cache blanche sur son nez.
— Je suis vraiment, vraiment contente de te voir ! Comment va Duchesse ?
Elle me regarda, éternua, puis se remit à ronronner. J’en déduisis que Damien et Jack s’occupaient bien de la chienne.
Je me replongeai dans mes pensées. J’effleurai mes lèvres, où je sentais toujours le baiser de Stark. Qu’est-ce qui se passait ? Pourquoi ce garçon me touchait-il autant ? D’accord, il était mort dans mes bras, et cela avait été horrible. Mais il y avait plus que ça. Je fermai les yeux et soupirai : voilà que je ne pouvais pas le chasser de mon esprit, alors que je ne m’étais toujours pas remise de mon histoire avec Erik, ni de celle avec Heath.
En vérité, je n’étais même pas remise de mon histoire avec Loren. Je n’étais pas amoureuse de lui, mais je n’avais pas dépassé la peine qu’il m’avait causée. Mon cœur souffrait toujours, et il n’était pas prêt à accueillir quelqu’un d’autre.
Pourtant, je me souvins avec émotion de Stark me prenant la main, entrelaçant ses doigts aux miens, et du contact de sa bouche sur ma peau.
— Il faut croire que personne n’a prévenu mon cœur qu’il n’était pas prêt... murmurai-je. Et si Stark ne revenait pas ?
J’en avais assez de voir mourir des gens. Une larme coula de mes paupières fermées. Je me recroquevillai sur mon lit, le visage enfoui dans la fourrure de Nala, essayant de me raisonner. J’étais fatiguée, rien de plus. La journée avait été très dure. Je me sentirais mieux demain. Je parlerais à Lucie, et elle m’aiderait à trouver une solution au problème de Stark.
Je n’arrivais pas à dormir. Mes pensées ne cessaient de tourner en rond, s’attardant sur les erreurs que j’avais commises et les personnes que j’avais fait souffrir. La mort de Stark était-elle une sorte de punition pour ce que j’avais fait subir à Erik et à Heath ?
« Non ! protesta ma raison. C’est ridicule ! Nyx ne fonctionne pas comme ça. » Mais ma mauvaise conscience me soufflait des idées noires. « On ne peut pas blesser des gens aussi gravement sans en payer le prix. »
«Arrête ! m’ordonnai-je. Erik n’avait pas l’air si anéanti que ça aujourd’hui. À vrai dire, il était surtout désagréable, et ne semblait pas avoir le cœur brisé. »
Non, ce n’était pas vrai non plus. Erik et moi étions en train de tomber amoureux lorsque j’avais tout gâché. À quoi m’étais-je attendue ? À ce qu’il pleure et me supplie de revenir ? Sûrement pas. Je l’avais blessé, et il n’était pas vraiment désagréable. Il essayait juste de se protéger.
Quant à Heath, je n’avais pas besoin de le voir pour savoir que je lui avais brisé le cœur. Je le connaissais trop bien. Il faisait partie de ma vie depuis que nous avions eu le coup de foudre à l’école primaire. Il avait toujours été là : il avait été mon premier amoureux à l’école, mon petit copain au collège, puis au lycée, jusqu’à ce que nous imprimions et que je devienne accro à son sang. Imprimer avec un humain et boire son sang stimule des récepteurs sexuels dans le cerveau du novice comme dans celui du vampire, si bien que j’avais eu envie de plus que son sang délicieux. Oui, je sais que ça paraît vulgaire, mais au moins je suis honnête avec moi-même.
Heath et moi avions donc imprimé, mais ensuite j’avais fait l’amour avec Loren, et nous avions imprimé (j’avais toujours du mal à concevoir que je n’étais plus vierge, c’était perturbant et effrayant), ce qui avait effacé mon Empreinte avec Heath. D’après Loren, cela avait été très douloureux pour lui. Depuis, il ne m’avait donné aucune nouvelle.
Et dire que Stark se considérait comme un lâche parce qu’il refusait de souffrir ! Je me demandai si le lien qui s’était créé entre nous deux aurait duré s’il avait appris la vérité à mon sujet. Il s’était confié à moi, et je ne lui avais rien révélé me concernant.
Et il y avait un tas de choses à raconter, dont pas mal de détails que je n’avais pas réglés.
J’avais évité Heath parce que je savais que je lui avais fait du mal. Et parce que j’avais peur de sa réaction.
Heath était loyal, et complètement fou de moi. Il avait toujours été là quand j’en avais eu besoin.
Soudain, je réalisai à quel point il me manquait. Je me sentais meurtrie et perdue, et j’avais besoin de m’assurer que je ne les avais pas tous perdus... que l’un d’eux m’aimait encore, même si je ne le méritais pas.
J’attrapai mon téléphone portable et tapai aussitôt un message, craignant de me défiler.
Comment ça va ?
Lorsqu’il répondrait – s’il répondait –, j’irais un peu plus loin.
Je me recroquevillai de nouveau près de Nala, et j essayai de dormir ; en vain.
Je regardai l’heure : il était huit heures et demie ; donc Heath dormait. Il était toujours en vacances et, quand il n’était pas obligé de se lever pour aller au lycée, il ne se réveillait jamais avant midi. « Il dort », me répétai-je avec obstination, alors qu’une petite voix me disait : « Autrefois, cela n’aurait pas eu d’importance. Il m’aurait répondu en moins d’une seconde et m’aurait suppliée de venir le retrouver quelque part. Heath se réveillait toujours quand un de mes messages arrivait. »
Peut-être aurais-je dû l’appeler.
Pour l’entendre me dire qu’il ne voulait plus jamais ne voir ? Je me mordillai la lèvre, nauséeuse. Non. Mon, je ne pouvais pas faire ça. Pas après ce qui s’était passé aujourd’hui. Je ne pourrais pas supporter d’entendre des choses méchantes. Les lire serait déjà assez difficile.
S’il répondait...
Je m’efforçai de me concentrer sur les ronronnements le Nala pour oublier le silence de mon téléphone.
« Demain, décidai-je en sombrant dans un sommeil agité. Si je n’ai pas de nouvelles de lui demain, je rappellerai. »
Juste avant de m’endormir, j’entendis le croassement sinistre d’un corbeau à ma fenêtre.